CHULALONGKORN, LE ROI BIEN-AIME


La modernisation de Mongkut, qui bénéficiait à tout le pays, fut dans la plupart de cas poursuivie et même intensifiée par son Chulalongkorn, avait seulement quinze ans quand il lui succéda. Au cours de son règne de quarante-deux ans (1868-1910), il transforma un pays asiatique arriéré en un royaume moderne du XX° siècle.
Sa contribution au progrès et à la prospérité de la nation est considérable.

Rama V révolutionna sans tarder le cérémonial de la cour en abrogeant l'ancienne coutume de la prosternation et en autorisant les dignitaires à s'asseoir sur des sièges pendant les audiences royales. Il abolit le servage par étapes de manière à laisser aux propriétaires et aux serfs le temps de s'adapter et remplaça le système ancestral de la corvée par une imposition directe.
Son règne fut véritablement une «révolution venue du Trône». Quand Chulalongkorn avait pris le pouvoir, le Siam ne possédait ni école, ni route, ni chemin de fer, ni armée convenablement équipée. Pour réussir cet énorme effort de modernisation, il fit venir des conseillers étrangers et envoya ses fils ainsi que d'autres jeunes gens étudier à l'étranger.
Il créa une école pour les enfants de l'aristocratie, complétée par d'autres écoles et établissements spécialisés car, jusque-là, les monastères étaient les seules institutions où l'on dispensait un enseignement.

1892 fut une année charnière : passage du gouvernement de quatre à dix membres, directement responsable devant lui. Réforme de l'administration provinciale en divisant le pays en monthon (régions), chanwat (provinces) et amphoe (districts).
Ce fut aussi la création d'un service de poste et télégraphe, mise en chantier de la première ligne de chemin de fer...

Les frères de Chulalongkorn occupaient les postes clés du gouvernement, le prince Devawongse en tant que ministre des Affaires Etrangères et le prince Damrong comme premier ministre de l'Intérieur (Damrong fut aussi un historien connu que l'on désigne comme le père de l'histoire thaïe).
Les fils aînés du roi rentrèrent d'Europe dans les années 1890 et modernisèrent l'armée et la marine. L'un d'eux devint ministre de la Justice dont le ministère avait été crée pour lui par son père.

Le premier hôpital fut ouvert en 1886 après des années d'opposition. Le peuple préférait en effet les remèdes traditionnels à base de plantes à la médecine farang (étrangère). Par ailleurs, les médecins qualifiés faisaient cruellement défaut. Ces obstacles purent finalement être levés.

En politique étrangère, Rama V dut accepter des compromis et paya la liberté du Siam en cédant des portions de territoire aux appétits coloniaux.
Avec la conquête de l'Annam par la France en 1883 et l'annexion de la haute Birmanie par la Grande-Bretagne en 1886. Le Siam se trouva inconfortablement coincé entre deux puissances expansionnistes rivales. Des conflits frontaliers appuyés par une diplomatie de la canonnière obligèrent le Siam à abandonner au profit de la France ses prétentions sur le Laos et le Cambodge occidental.
- Sibsong Chuthai et Huapan Tanghok en 1886-1887
- L'ensemble des territoires sur la rive gauche du Mékong (Laos) et toutes les îles du fleuve en 1893.
- Paklai, face à Luang Prabang et Bassac (Champasak) en 1904.
- Battambong, Srisophon et Siemrap en 1907.
De même, en échange du renoncement à ses droits extra-territoriaux au Siam, la Grande-Bretagne obtint certains territoires dans la péninsule malaise en 1909 (Kedah, Perlis, Kelantan et Trengganu qui devinrent des protectorats).

A la fin de son règne, Chulalongkorn avait cédé 120.000 kilomètres carrés de terres aux frontières. C'était un prix bien minime en regard de la paix et de l'indépendance que ce sacrifice avait assuré au coeur du pays, le bassin du Mae Nam Chao Phraya.

Premier monarque Thaï à visiter l'Europe, Chulalongkorn y fit deux voyages en 1897 et 1907. Alors que ces visites étaient initialement prévues en vue de consolider les relations amicales avec les pays européens et pour faire mieux connaître le Siam, Il en revint avec le désir de s'installer dans un endroit plus vaste que le Grand Palais, et fit construire sur l'emplacement d'un verger le palais Dusit, relié directement au Grand Palais par la large avenue Rajdamnoen.
A Dusit, il donnait des fêtes privées et même des bals costumés, et faisait lui-même la cuisine.
Rama V recueillit de son vivant les fruits de ses nombreuses réformes. L'économie prospérait et la paysannerie thaïe, comparée à ses soeurs de l'Indochine française et de la Birmanie anglaise, avait un sort enviable. Il n'est donc pas étonnant que ce monarque ait reçu en hommage posthume le titre de Piya Maharaj (Le Grand Roi bien-aimé).

Il était conscient de la force du courant démocratique qui gagnait le monde, mais il jugeait que son pays n'était pas encore prêt pour un tel changement. On dit qu'il plaça le Siam sur la voie du progrès par le seul exercice judicieux de son pouvoir absolu.

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