LE FAVORI GREC


Les Français apparurent sur la scène de l'histoire Thaïlandaise sous le règne de Roi Narai (1657-1688), et l'ouverture de relations entre le Siam et la France est due aux missionnaires catholiques français, dont un évêque, Monseigneur de la Motte Lambert, est allé à Ayutthaya en 1662. Ils reçurent même l'autorisation d'y pratiquer leur propre culte !
L'amitié du roi et sa tolérance religieuse firent croire aux bons pères que sa conversion était imminente. L'enthousiasme de leurs missives se communiqua à Louis XIV, qui espérait, à la faveur du salut des âmes païennes du Siam, obtenir un bénéfice territorial pour la France. Naraï fut enchanté de recevoir une lettre personnelle du Roi Soleil en 1673.
Par l'intermédiaire des missionnaires, soutenu par Constantine Phaulkon, un grec, le Siam et la France échangèrent des ambassades. En 1685, Louis XIV dépêchait le Chevalier de Chaumont comme premier ambassadeur de Français à Ayutthaya, bientôt suivi, en 1687, par une deuxième ambassade dirigée par Ceberet et De la Loubere accompagnés de 1400 soldats Français et 300 artisans. Narai réciproquait son amitié en envoyant quatre ambassades en France dirigées par Phra Wisut Sunthorn, la troisième par Kosa Casserole.

Mais cette pénétration française est liée à l'aventure de l'un des personnages les plus fascinants de l'histoire de la Thaïlande, le grec Constantin Phaulkon dont l'histoire mérite d'être racontée.
Fils d'un hôtelier grec, il avait débuté à la Compagnie des Indes Orientales comme mousse. Il était au service des Britanniques quand il arriva au Siam en 1678. Doué pour les langues, il apprit le thaï en deux ans et par l'entremise de ses bienfaiteurs anglais, obtint le poste d'interprète auprès du Ministre des Finances.
Cinq ans plus tard, Phaulkon avait gravi les échelons de la hiérarchie siamoise jusqu'à un rang très élevé et était en rapport permanent avec le roi. Lentement mais sûrement, il sut gagner la confiance du monarque. Tombé en disgrâce auprès de la Compagnie des Indes et converti récemment au catholicisme pour pouvoir épouser une coreligionnaire japonaise, Phaulkon entraîna le roi dans son rapprochement avec la France... et l'envoi des Ambassades.
A défaut de pouvoir convertir le roi, il obtint de nombreux privilèges commerciaux pour les français à qui il servait d'interprête auprès de l'ambassade. Il entretint longuement les prêtres jésuites de ses plans visant à une conversion du pays entier au catholicisme. A cet effet, disait-il, il avait besoin d'administrateurs et de troupes. A la suite d'un nouvel échange d'ambassades, un escadron, placé sous haut commandement du maréchal Desfarges, accompagna les deux délégations à bord de bâtiments de guerre en route pour le Siam.
Celle petite force de cinq cents hommes disciplinés et bien équipés reçut l'autorisation du roi, conseillé par Phaulkon, de débarquer et de tenir garnison. En récompense, Phaulkon fut nommé comte de France et chevalier de l'Ordre de Saint-Michel.
Mais l'étoile de l'aventurier déclinait. Un certain nombre de dignitaires siamois s'alarmaient de l'ascendant de «favori grec», devenu Phraya Wichayen, sur le roi. Son train de vie extravagant était, selon eux, la preuve qu'il profitait de sa situation pour s'enrichir aux dépens du pays. Les auteurs européens contemporains confirment qu'à sa résidence de Lop-Buri le couvert était mis chaque soir pour quarante Invités et qu'une énorme quantité de vin y était servie. Son impopularité grandit non seulement à cause de la présence suspecte de la garnison française, mais aussi à la faveur d'une rumeur.
On murmurait qu'il avait obtenu la conversion du fils adoptif de Narai au christianisme, avec l'intention de s'assurer la succession au trône.
En 1688, profitant d'une grave maladie du roi, un mouvement nationaliste se développa contre les Français. Menés par Phra Phetracha, commandant du régiment royal des éléphants, les rebelles retinrent le roi souffrant dans son palais, Phaulkon fut arrêté, accusé de trahison et exécuté prés de Lop-Buri en juin 1688.
Naraï mourut en juillet et Phra Phetracha monta sur le trône.
Son premier souci fut d'obtenir le départ des troupes françaises. Les soldats avaient été répartis dans différentes garnisons mais Desfarges accepta finalement de se retirer.

Après le règne du roi Narai, les rapports avec les Européens cessèrent pratiquement avec l'exception de certains missionnaires et marins tandis que la Birmanie redevenait une grande nation sous la direction des rois de la dynastie Alaungpaya.

Durant les 417 années d'Ayutthaya en tant que capitale, sous le règne de 33 rois, les Thais amenèrent leur propre culture à maturité, débarrassant totalement leurs terres de la présence Khmer présence et en étroit contact avec les puissances d'Arabie, d'Inde, de Chine, du Japon et d'Europe.

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